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ça va mieux en l'écrivant !...

... ENCORE FAUT-IL LE LIRE AVANT !

Désolée, je suis attendue, d'Agnès Martin-Lugand

Publié le 12 Juillet 2016 par Alain Schmoll

Juillet 2016,

Il faudra que j’affine ma façon de choisir mes lectures. Ce livre n’était pas pour moi. En fait, l’auteure, Agnès Martin-Legrand, avait attiré mon attention par son parcours personnel et son succès rapide. Et comme j’évite de lire à l’avance les critiques d’un livre – je ne le fais qu’après avoir écrit la mienne –, il peut m’arriver de faire des choix que je regrette.

Désolée je suis attendue raconte la vie quotidienne de Yaël, une espèce caricaturale de working girl, obsédée jour et nuit par l’image qu’elle donne d’elle-même à son patron – c’est ce qu’elle appelle « réussir » ! –  dans un métier supposé passionnant, ce qu’on a du mal à percevoir, le livre n’en présentant que des aspects superficiels, secondaires et répétitifs.

Retrouvant Marc, un ami de jeunesse perdu de vue depuis dix ans, Yaël engage une relation amoureuse fondée sur une extase physique qui finit par s’exalter dans une passion fusionnelle...  incompatible avec sa carrière ! L’impasse est véritable, la rupture consommée...

Le ton est glaçant. Normal, c’est Yaël la narratrice. Quelques passages à l’eau de rose... Yaël et Marc auront ils un avenir commun ? L’auteur ne nous donne sa réponse qu’à la dernière ligne de la dernière page... Quel suspens !...

Mais que je ne t’y prenne pas, lectrice ou lecteur, à aller subrepticement jeter un coup d’œil à la fin du livre ! Tu dois auparavant te colleter les presque quatre cents pages du roman, où tu auras l’impression de relire plusieurs fois les mêmes épisodes, en te faisant resservir les mêmes clichés...

Et là, ça devient dur à supporter !...

  • FACILE     o   J’AI AIME… PAS DU TOUT
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Cette nuit, je l'ai vue, de Drago Jancar

Publié le 3 Juillet 2016 par Alain Schmoll

Juillet 2016,

Au cœur de ce roman finement conçu et remarquablement charpenté, une femme, dont l’élégance, la générosité, la sensualité et l’indépendance d’esprit rayonnent sur son entourage et fascinent les hommes.

L’aura troublante de cette femme, Veronika, est omniprésente dans le livre. La parole est répartie entre cinq personnes ayant vécu à son contact ; un chapitre chacune. Le ton est à mi-chemin entre le monologue intérieur et la confession. Rêve ou hallucination, Veronika leur apparaît certaines nuits, longtemps après avoir disparu de leur vie... « Cette nuit, je l’ai vue !... »

Personnels et subjectifs, les témoignages de ces cinq narrateurs se complètent pour constituer l’esprit et le corps du roman. A défaut d’être totalement originale, c’est une construction littéraire diablement efficace. L’histoire est très captivante... Mais sombre, très sombre...

Avant d’évoquer l’intrigue, campons le décor...

La Slovénie. L’auteur, Drago Jančar, y est né. C’est un petit pays tranquille, aux confins de l’Italie et de l’Autriche. Une histoire partagée entre un héritage slave et une ancienne domination germanique. Des paysages riants et verdoyants de montagnes, de forêts, de lacs. Des traditions paysannes. Un culte national pour le cheval et l’équitation. Le Royaume de Yougoslavie... Mais ça, c’était avant !...

Seconde guerre mondiale. Le paradis devient enfer. De nombreux Slovènes germanophones s’accommodent de l’occupation allemande, certains rejoignent même les rangs nazis. En face, la résistance ; les partisans montent en puissance, soutenus par les Soviétiques. Violence des escarmouches, cruauté des représailles. La population observe avant de choisir : de quel côté le destin basculera-t-il ?... Et le gagnant est : la République Populaire de Yougoslavie !

Depuis le début de la guerre, Veronika est installée à la campagne, dans un manoir entouré d’un vaste et magnifique domaine appartenant à son mari, Léo, un riche industriel. Une sorte d’oasis de paix qu’ils s’efforcent de préserver. Elle monte à cheval, il gère ses affaires. Ils reçoivent des artistes, des notables de la capitale – dont certains portent l’uniforme militaire de la Wehrmachtschaft, une milice pro-allemande –, parfois aussi quelques officiers allemands. Cela n’empêche pas Veronika et Leo d’entretenir de bonnes relations avec la population locale, des familles de paysans, dont certains sont employés sur le domaine. Ils ne manquent jamais non plus d’apporter aide et bienveillance aux partisans. Qui pourrait dire du mal d’eux ?

Mais un jour de janvier 1944, Veronika et Leo quittent leur manoir et disparaissent. Qui sont ces gens qui les accompagnent ? En tout cas, nul n’a revu le couple. Sont-ils cachés quelque part, ou en fuite à l’étranger ? Sont-ils même encore en vie ?

Parmi les cinq narrateurs, un seul connaît vraiment la vérité, dans ses détails les plus affreux. C’est le dernier à s’exprimer, bien sûr. Les autres auraient bien voulu donner l’illusion d’un autre scénario possible ; mais y croyaient-ils vraiment eux-mêmes ?

Moi aussi, tout au long de ma lecture, j’avais redouté et pressenti le dénouement. Moi aussi, j’aurais aimé me tromper, car cette femme qui a fasciné les hommes qui l’ont approchée, elle m’a fasciné comme eux. J’avais espéré que l’auteur – un romancier ! –, aurait imaginé un rebondissement inattendu, pour parvenir à une happy end... Ou tout au moins, à une fin moins sordide que celle qu’il nous sert.

Un sentiment de malaise, qui s’accentue au fil des pages. La pire fin qui soit.

Dénonciation mensongère !... La jalousie, la frustration, la rancœur... La cruauté aveugle du combattant traqué... Les fantasmes complotistes des partis extrémistes... La sauvagerie ignominieuse des hommes en horde, protégée par la veulerie pitoyable des autres... Et même si le remord survient, il ne pèse pas lourd devant la lâcheté.

Un bon livre, doté d’une expressivité forte, qui m’a plu même s’il m’a dérangé.

  •  GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP
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Sens dessus dessous, de Milena Agus

Publié le 25 Juin 2016 par Alain Schmoll

Juin 2016

Sens dessus dessous est le troisième ouvrage de Milena Agus que je lis. J’avais découvert cette écrivaine sarde il y a quelques années avec Mal de pierre, un court roman, surprenant, attachant, empreint d’une poésie trouble, à la limite de l’ensorcelant.

Même ressenti avec Battement d’ailes, quelque temps plus tard. Un livre qui m’avait d’autant plus séduit que l’histoire se situe dans le sud de la Sardaigne, à proximité immédiate d’un endroit où je me rends régulièrement l’été ; un site sublime où « le ciel est transparent, la mer couleur saphir et lapis-lazuli, les falaises de granit or et argent... ».

Dans Sens dessus dessous, on reste en Sardaigne, mais en ville, à Cagliari. Un quartier pauvre, un immeuble ancien, cossu. Au premier étage, réside une jeune femme ; elle vit seule et c’est elle qui raconte. En haut, Mr. Johnson, « le monsieur du dessus », un violoniste américain renommé, d’un certain âge ; il se pourrait qu’il soit riche... ou peut-être pas... En tout cas, son appartement est superbe, immense, lumineux ; plafonds élevés, vue sur la mer... En bas, Anna, la « dame du dessous », une femme plus toute jeune, de santé fragile. Elle tire le diable par la queue, vit de ménages et d’autres emplois précaires et fatigants. Son logement est étroit, sombre, la lumière du jour parvenant par une porte-fenêtre unique donnant sur l’entrée de service.

Tout ceci donne sens au titre, bien sûr, ainsi qu’aux chassés-croisés des personnages et à ce qui agite leurs esprits tourmentés. Que peut-il bien se passer entre la dame du dessous et le monsieur du dessus ? La narratrice voudrait bien le savoir, de même que Natasha, la fille d’Anna, et les ineffables membres de la famille Johnson...

Sont bien présents les ingrédients qui donnent leur saveur aux romans de Milena Agus. Des fantasmes et des obsessions, le sexe, la prostitution, le mariage sans amour, la dèche, les cauchemars, la fuite, le suicide... Quelques engouements, la mer, le ciel, les fleurs, les couleurs. La musique, aussi. « Avec la musique, l’âme s’envole ! » s’exclame Anna, sous le charme du violon de Mr Johnson... Des personnages dissonants, qui vivent en marge du monde réel, en quête du bonheur, mais découvrant benoîtement qu’on peut être « malheureux avec une personne seulement parce qu’elle est malheureuse avec vous ».

Personnage central du roman, la narratrice est une jeune femme immature, plus que naïve, restée marquée par un drame familial survenu dans son enfance. Selon elle, toute femme est fatalement abandonnée un jour ou l’autre par son mari, pour une plus jeune, offrant des prestations de « machine de guerre sexuelle ». Seule alternative, être soi-même une machine de guerre sexuelle... Alors avant de trouver un mari, elle s’entraîne !...

A temps perdu, elle compose un peu de poésie. Ses amis du dessus et du dessous la verraient plutôt romancière. Écrire « une histoire qui n’est pas vraie mais qui pourrait l’être »...

« Avec le roman, l’âme s’envole !... » Et où s’envole-t-elle ? Au pays des merveilles, voyons. Pourquoi croyez-vous qu’on découvre à la fin que la narratrice se prénomme Alice ? Et le pays des merveilles, c’est tout simplement la vie...

  •  FACILE     ooo  J’AI AIME
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Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos

Publié le 13 Juin 2016 par Alain Schmoll

Juin 2016,

Qu’est ce qui ne va pas avec ce livre ? L’intrigue est originale et plaisante, plutôt bien construite autour d’une énigme correctement ficelée, les personnages sont campés avec justesse, leurs gestes observés avec un humour et une tendresse de bon aloi. Pourquoi, tout au long de ma lecture, ai-je ressenti comme une impression de platitude ?

Peut-être est-ce le ton, un peu distancié, un peu dilettante. Peut-être est-ce aussi le séquençage, inhabituel. L’ouvrage est découpé en dix parties (épilogue inclus), chacune étant divisée en plusieurs chapitres. En tout, plus de cent chapitres ! Longueur moyenne d’un chapitre : deux pages et demi !

Volonté de respiration ? C’est ce que plaidait l’auteur pour Charlotte, son précédent roman, et son parti d’écriture « une phrase, une ligne ». Un parti qui conférait au texte une concision sobre en cohérence avec le tragique du livre. Dans Le mystère Henri Pick, les micro-chapitres s’accommodent mal du caractère léger et sentimental du roman. Pour le lecteur, en tout cas pour moi, il ne s’en dégage qu’un goût inconsistant.

Je n’oublie pas ceux qui recherchent avant tout des lectures « ne prenant pas la tête ». Peut-être passeront ils un agréable moment avec ce roman très facile à lire, encore qu’ils puissent se lasser des longueurs auxquelles l’auteur se laisse complaisamment aller pour des détails anecdotiques sans beaucoup d’intérêt.

Un mot quand même sur l’histoire. Une petite ville à la pointe extrême de la Bretagne. Une bibliothèque municipale où, dans un coin, avaient été aménagées quelques étagères pour des « manuscrits refusés », des œuvres qui ne seront jamais publiées. Une jeune éditrice y déniche fortuitement un projet de roman qu’elle trouve exceptionnel et qu’elle décide de faire publier. Le succès populaire est énorme... L’auteur, un dénommé Henri Pick, décédé depuis deux ans, tenait une pizzeria en ville... Sa famille est stupéfaite, ne l’ayant jamais vu un livre en main... Mais est-ce certain qu’il est vraiment l’auteur ? C’est la question avec laquelle David Foenkinos interpelle les lecteurs de son roman.

Avec le recul, on n’échappe pas à une question plus générale. Qu’est-ce qui prédomine dans un succès de librairie, la qualité de l’œuvre ou le roman de l’œuvre ?

Quant aux écrivains et aux artistes en général, c’est une autre réflexion que David Foenkinos leur soumet au final. Quel est le plus important, voir reconnaître son talent ou trouver le bonheur en famille ?

  •  FACILE     oo    J’AI AIME… UN PEU
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Purity, de Jonathan Franzen

Publié le 8 Juin 2016 par Alain Schmoll

Juin 2016

Voilà un très long roman, comportant les ingrédients qu’il faut pour en rendre la lecture tour à tour distrayante, intéressante, surprenante, amusante, oppressante, captivante... J’aime absolument !

Arrêtons là les qualificatifs et penchons-nous sur le titre : Purity ! Le mot anglais pour pureté ; conservé tel quel dans l’adaptation française du livre ! Un titre qui pourrait faire craindre un ouvrage engagé, militant, ennuyeux. Ce n’est pas le cas. Purity est le prénom véritable de l’héroïne du roman, celle qu’en fait, tout le monde appelle Pip. Comment peut-on s’appeler Purity ? Même aux Etats-Unis !... Sa mère n’avait pourtant pas choisi ce prénom par pur hasard...

Pip n’a eu comme famille que sa mère, une femme étrange, au caractère tourmenté, qui vit seule pauvrement dans un coin isolé de Californie, depuis qu’elle a quitté son mari, quelque temps après la naissance de sa fille, précise-t-elle. Un homme à fuir absolument et définitivement, proclame-t-elle lorsque Pip l’interroge.

Pip a vingt-trois ans. C’est une jeune femme tout à fait charmante. Ouverte, libre, franche, généreuse. Intelligente mais naïve. Séduisante malgré un manque de confiance en elle. Depuis la fin de ses études universitaires, elle travaille, un job ni passionnant, ni rémunérateur. Les temps sont durs pour les jeunes d’aujourd’hui, notamment pour Pip, qui avait souscrit un prêt étudiant de cent trente mille dollars qu’il lui faut désormais rembourser. Elle s’est mise en tête que la seule personne qui pourrait l’aider à se libérer de cette dette est son père, qu’elle veut retrouver, alors qu’elle ne l’a jamais vu et qu’elle ne connaît même pas son nom... Telle est sa quête !... Bien des choses auront changé pour elle à la fin du livre.

Le deuxième chapitre nous ramène vingt-cinq ans en arrière, à Berlin-Est, peu de temps avant la chute du Mur. Andreas Wolf est un jeune homme au physique avantageux, consommateur de jolies filles et d’images pornographiques. Bien que fils unique d’apparatchiks très privilégiés d’une « démocratie populaire » à bout de souffle, il joue de son charisme pour se poser en contempteur d’un régime qu’il juge fondé sur une hypocrisie ridicule et terrifiante.

Rebelle dans l’âme, porté par un ego démesuré, Andreas deviendra plus tard un lanceur d’alerte célèbre et hors-la-loi, à la manière d’un Julian Assange ou d’un Edward Snowden. Réfugié en Bolivie dans un coin de montagne paradisiaque où il est assisté de groupies aussi belles que dévouées, il entretient sa légende et pilote une cyberorganisation très efficace, le Sunlight Project. Très intelligent, opportuniste et manipulateur, il restera toutefois marqué par un péché originel, un acte criminel dont il redoute la découverte, ce qui le rend paranoïaque par instant. Une paranoïa qui menacera de s’aggraver et de l’engloutir... Entre temps, pourra-t-il aider Pip à retrouver son père ?

Deux autres personnages émergent dans l’intrigue. Tom, un patron de presse d’investigation, sérieux et ambitieux ; un type bien, dont la vie privée n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Et Anabel, la fille d’un industriel multimilliardaire, une femme belle et brillante, mais psychotique, délirante, destructrice et autodestructrice.

Tous ces personnages partagent une particularité : une forme d’exigence envers soi-même, chacun à sa manière ; la détermination – dangereuse ou velléitaire – de respecter scrupuleusement des convictions de base, comme s’il s’agissait de se convaincre de sa pureté personnelle. Mais défendent-ils un idéal ou l’image qu’ils veulent avoir d’eux-mêmes ?

L’intrigue est complexe et l’auteur n’en dévoile les nœuds qu’avec parcimonie, pièce par pièce, comme un puzzle, au fil de sept chapitres non chronologiques, dans lesquels je me suis laissé promener de façon très plaisante sans toujours savoir très bien vers quoi on me menait : tantôt à méditer sur la morale du journalisme d’investigation et du lancement d’alerte ; tantôt à réfléchir sur les limites de la démocratie ; tantôt encore à épier les intermittences du désir entre une jeune femme et un homme ayant l’âge d’être son père ; parfois juste à observer Pip s’enchanter de la richesse des odeurs tropicales dans les vallées boliviennes...  Et aussi à suivre les remous d’une histoire d’amour et de folie ; un amour fou, hors de toute limite de temps et d’exigence – de pureté, notamment –, et qui déferle en haine, en envie de faire mal, de détruire, de se détruire.

Tout cela a-t-il un sens ? Soudain, dans un dialogue, à mi-parcours du livre, une lueur. Est-ce une piste, un fil conducteur ? Viendront finalement des révélations surprenantes ; des circonstances pouvant apparaître comme des hasards n’en sont pas... L’histoire s’achève dans une atmosphère de paix, de bonheur possible. Ou presque, mais tant pis pour ceux qui s’en excluent. Et quel dommage pour le lecteur que ce soit la fin de ce roman magistral. 

  •  DIFFICILE     ooooo   J’AI AIME PASSIONNEMENT
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Le livre des Baltimore, de Joël Dicker

Publié le 16 Mai 2016 par Alain Schmoll

Mai 2016,

Pour le résumer en quelques mots, Le livre des Baltimore est la chronique d’un « Drame » annoncé, sur fond de grandeur et chute d’une famille. Sa lecture me laisse partagé et j’ai du mal à donner un avis personnel clair. Mais en rédiger la critique m’a amené à des réflexions intéressantes.

Comment exprimer mon ressenti ?... Un cocktail très savamment composé : sur un lit de belles demeures en Amérique, on verse une bonne dose d’histoires de famille, on ajoute une croustillante saga amoureuse entre une star de la chanson et un écrivain célèbre, on glisse un zeste de manœuvres financières à gros chiffres, on complète en délayant avec des détails insignifiants et des dialogues creux, puis on sert garni avec un Drame glacé... Et si ça devient fade, on réveille par une pincée de formule en « cliffhanger » (en suspense si vous préférez…).

Voilà, je me suis laissé aller à ma méchanceté naturelle... A tort. Car pour le lecteur, le résultat est plutôt agréable. Le livre des Baltimore est un roman facile, confortable à lire ; disons que c’est un texte flatteur. Les profils des personnages sont intéressants, ... un tout petit peu caricaturaux ; les analyses psychologiques plutôt bien vues, ... parfois poussées à l’extrême ; les péripéties variées et excitantes, ... certaines étant toutefois prévisibles ; et l’histoire d’amour à la « je t’aime moi non plus » fera poindre une larme à l’œil des plus romantiques.

C'est ce que d’aucuns appelleraient : un livre qui ne prend pas la tête... Et pourquoi pas ? Mieux vaut de la littérature facile que pas de littérature du tout... Débat sans fin sur le rôle de l’écrivain : est-il de nous divertir en flattant notre désœuvrement ? est-il de nous entraîner malgré nous vers des horizons à découvrir ? Quand ils divergent, les deux chemins méritent le respect. Quand ils se rejoignent, cela peut donner de la grande littérature.

L’auteur, le jeune, brillant et médiatique Joël Dicker, n’a jamais caché son envie de séduire le plus grand nombre. Pour Le livre des Baltimore, il a élaboré un roman à vocation de best-seller, comme un professionnel du marketing ou, pour reprendre ma référence au cocktail, comme un barman parfaitement maître des ingrédients qui enchanteront les papilles gustatives de ses clients.

Il faut du talent pour cela. L’auteur n’en manque pas et il ne manque pas non plus de culture littéraire. Comme dans son ouvrage précédent – La vérité sur l’affaire Harry Quebert –, il met en scène son double, Markus Goldman, un jeune écrivain à succès, beau, riche, bienveillant, en train de préparer son prochain opus. Il ne faut pas chercher pour autant de lien entre les deux romans. Ce n’est qu’un artifice littéraire – quelque peu narcissique !... – en forme d’hommage à Philip Roth, le grand romancier américain qui introduit régulièrement dans ses ouvrages, son double, son alter ego, un nommé Nathan Zuckermann.

Pour conclure, si vous avez lu La vérité sur l’affaire Harry Quebert, rappelez-vous le précepte du vieil écrivain : « un bon livre est un livre qu’on regrette d’avoir terminé ». Je souscris pleinement à cette déclaration, mais je ne donnerai pas ma position personnelle sur ce cas précis. A chacun de déterminer ce qu’il ressent après avoir refermé Le livre des Baltimore... Encore faut-il le lire avant !

  •  FACILE     ooo   J’AI AIME
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Je suis Pilgrim, de Terry Hayes

Publié le 12 Mai 2016 par Alain Schmoll

Mai 2015

Le sujet central de ce roman volumineux est la préparation d’un attentat bactériologique de très grande envergure contre les Etats-Unis, un attentat méticuleusement concocté pendant plusieurs années par un djihadiste inconnu et solitaire, extrêmement déterminé, et que les services spéciaux américains, incidemment alertés, vont s’efforcer de faire échouer.

Une affaire terrifiante ! Un vrai thriller !

Face à face, deux personnages au parcours hors norme, des « machines de guerre » à eux tous seuls, des manipulateurs qui se sont rendu impossible à identifier et à localiser.

D’un côté, celui que, faute de mieux, on nomme « le Sarrasin ». D’origine saoudienne, son parcours et sa psychologie sont très représentatifs du terrorisme islamique du tournant du siècle, fondé sur une haine recuite de l’Occident et forgé dans les montagnes d’Afghanistan. Un djihadisme sacrificiel mobilisateur pour des Arabes du Moyen-Orient bien éduqués, investis en toute conscience dans un Islam fondamentaliste et rigoriste, en quête de coups d’éclat pour faire reconnaître sa puissance.

En face, pour tenter de le mettre en échec, un as des services de renseignement américains, porteur de multiples identités ; nom de code : Pilgrim. Un agent secret à mi-chemin entre le héros mythique du type James Bond et l’occulte fonctionnaire dévoué qui cherche à passer inaperçu. Pas de « Pilgrim Girl », donc ! Pas d’Aston Martin non plus, plutôt des voitures de location banales. Un homme dont on ne sait pas à quoi il ressemble physiquement. Auteur d’un ouvrage de référence en criminologie. Un guerrier dur, solide et résistant, porteur aussi de valeurs, d’émotions, de doutes, même s’il donne la priorité à la raison d’état et à sa mission.

Des péripéties trépidantes, des attentes interminables, des rebondissements à couper le souffle, des coups de chance, des coups de malchance... Quelques scènes d’une violence insoutenable... En tant que thriller, Je suis Pilgrim est une incontestable réussite. J’ai marché à fond ! Pourtant, je n’ai pas imaginé une seule seconde que l’attentat pourrait réussir, que le livre pourrait se terminer en cauchemar, en apocalypse... Pourquoi alors ma tension a-t-elle autant palpité, chapitre après chapitre ? Sans doute est-ce dû au talent de l’auteur, Terry Hayes, un scénariste de renom dont c’est le premier roman. Il s’y entend pour ménager ses effets.

Pour raconter l’histoire, Hayes donne la parole à Pilgrim. C’est un narrateur volubile, qui n’hésite pas à enrichir son récit par des digressions : des réflexions, des souvenirs, des émotions... Son langage est simple, direct, clair. Un semblant de transparence qui pourrait faire croire au lecteur qu’il en sait à tout instant autant que lui. Mais Pilgrim ne nous dit pas tout, en tout cas pas tout de suite, et pas dans l’ordre logique... Les événements s’articulent au final dans une forme de puzzle plus complexe qu’il n’y paraissait... Et tout ne se passe pas comme annoncé...

Le roman est d’une grande cohérence, tant par l’enchaînement de la fiction – avec quelques heureuses coïncidences ! – que par son ancrage dans la géopolitique du début des années 2000, marquée par le développement du terrorisme islamique. Le livre met en exergue la puissance de la technologie maîtrisée par les Américains et leurs alliés, face à l’intuition et la capacité d’analyse d’un terroriste isolé.

A mettre en perspective avec le djihadisme d’aujourd'hui. Le big data développé par les Occidentaux sera-t-il suffisamment efficace pour anticiper et contrecarrer les projets d’une organisation comme Daech, qui dispose elle aussi de moyens technologiques considérables ?... Préoccupant !...

GLOBALEMENT SIMPLE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

 

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Les piliers de la terre, de Ken Follett

Publié le 26 Avril 2016 par Alain Schmoll

Avril 2016,

N’ayant jamais lu Ken Follet, au grand dam d’amis amateurs inconditionnels de cet auteur, je me suis lancé dans Les piliers de la terre.

Impressionnant par son épaisseur, le livre se présente comme une grande fresque romanesque, sur fond historique de guerre civile dans l’Angleterre du douzième siècle. Une sorte d’épopée inspirée par le projet de construction d’une cathédrale dans le petit bourg de Kingsbridge, et dont les péripéties, portées par un petit noyau de personnages principaux, se développent sur plusieurs décennies.

Parmi ces personnages, il y a Philip, le prieur du monastère, commanditaire du projet, véritable autorité locale tant spirituelle que temporelle, Tom dit « le bâtisseur », maître d’œuvre de la construction, Jack, qui lui succèdera, ainsi qu’Ellen et Aliena, deux femmes dont la beauté suscite désir et amour et dont la forte personnalité rayonne sur leur entourage. Tous ceux-là sont les « Bons ». Ils débordent de sentiments nobles ; ils sont bienveillants, justes (mais sévères !), francs, loyaux, courageux ; ils s’attachent au bonheur de leurs proches. Dans leurs luttes pour la réussite du projet et la survie de Kingsbridge, ils font parfois preuve de naïveté, mais avec le temps, ils progressent en lucidité et déjouent finalement la plupart des machinations ourdies contre eux...

En face, les « Mauvais », autour de William et de l’évêque Waleran. Opposés à la construction de la cathédrale, ils se montrent haïssables du début jusqu’à la fin. Ils n’obéissent qu’à de viles motivations : la cupidité, la vanité, la jalousie, la vengeance... Ils sont sournois, lâches, dénués de pitié (sauf envers eux-mêmes), dominés par des pulsions qu’ils sont incapables de dominer. Ainsi sont-ils fréquemment en train de blêmir, bouillir, bouillonner, écumer ou étouffer de fureur, de rage, de haine ou de honte... Le lecteur attend fébrilement qu’ils soient durement châtiés... Patience !...

L’ouvrage, très long, est d’une grande cohérence et le fil des péripéties très facile à suivre. L’écriture est claire et transparente. L’auteur en accélère habilement le rythme lors des moments dramatiques ; je m’y suis volontiers laissé prendre, ma tension augmentant avec l’amoncellement des épreuves et des menaces sur les « Bons », puis se détendant lors des passages plus paisibles. Mais l’intensité baisse avec la répétition. Dans la dernière partie, les offensives lancées par les « Mauvais » laissent un arrière-goût de déjà vu... Même plus peur !!...

Le livre – c’est l’un de ses mérites ! – offre une bonne évocation de la vie quotidienne au Moyen Âge, mais j’ai trouvé excessive et fastidieuse la profusion de détails documentaires sur l’architecture, le négoce ou l’artisanat. J’ai eu l’impression de lire des scripts collectant des indications descriptives de mises en scène...

J’ai été agacé par certains passages, notamment quand l’auteur explicite – et rabâche ! – la psychologie des personnages, leurs réflexions ou leurs états d’âme, avec tellement de détails simplistes évidents que cela donne le sentiment qu’il dénie toute finesse à ses lecteurs au point de devoir coûte que coûte leur mettre les points sur les i !

Il manque pour moi, dans ce livre, un peu de poésie, de profondeur et de mystère. Au final, Les piliers de la terre est un bon gros livre d’aventures, qui se lit facilement avec une émotion et un intérêt réels, mais dont les effets s’atténuent graduellement au fil des chapitres.

FACILE     ooo   J’AI AIME

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La conjuration des imbéciles, de John Kennedy Toole

Publié le 24 Avril 2016 par Alain Schmoll

Avril 2016,

La conjuration des imbéciles, roman dont l’écriture et la publication ont fait l’objet d’aléas pour le moins... romanesques – j’y reviendrai –, a été un très grand succès de littérature, aux Etats-Unis puis dans le monde entier. De nombreuses critiques actuelles restent dithyrambiques. Cela m’avait donné envie de le lire.

Je le dis tout net, je n’ai pas aimé ce livre ; mais pas du tout, du tout ; je ne l’ai même pas terminé, malgré mes résolutions de toujours aller au bout de mes expériences (*)

Ce n’est pas pour autant que je n’ai rien à en dire...

Un roman au parcours romanesque. L’écriture de ce gros bouquin date du début des années soixante. N’ayant pu trouver d’éditeur, son auteur, John Kennedy Toole, se suicide à l’âge de trente deux ans. Sa mère parvient à le faire publier en 1980 et il obtient le prix Pulitzer l’année suivante à titre posthume. Bravo !

Le livre narre les tribulations quotidiennes d’Ignatius Reilly, un marginal vivant avec sa mère à la Nouvelle Orléans. C’est un géant obèse, habillé ridiculement, sans-gêne, provocateur, scatologique, mais intelligent et érudit. Une sorte de Gargantua impécunieux, sans les aspects sympathiques du personnage de Rabelais. Ignatius croit en son génie, vilipende l’évolution de la société américaine, méprise ses congénères et s’emploie à donner des leçons à tout un chacun...

J’imagine que l’auteur s’est quelque peu transposé dans son personnage. Le titre de son livre est inspiré d'une formule de Jonathan Swift : « Quand un génie parait en ce bas monde, on peut le reconnaitre à ce signe que les imbéciles se sont tous ligués contre lui ».

Moi, cela me fait plutôt penser à cette blague : un automobiliste s'engage sur une autoroute. Soudain, il entend à la radio : « Attention, on nous signale un véhicule à contre-sens » ! Il s’exclame : « ce n’est pas un véhicule à contre-sens... c’est dix, c’est cent,... c’est mille !... »

De quel côté suis-je moi même : imbécile ou à contre-sens ? Je veux bien assumer faire partie des con-jurés...

Tout m’a déplu dès le début : le style, l’humour, les personnages, les péripéties. Je sais pourtant être patient ; il y a des chefs d’oeuvre dans lesquels il faut du temps pour entrer. Là, à la moitié du livre, rien n’avait évolué. J’ai feuilleté la deuxième partie, me suis arrêté sur quelques pages... Le ton était toujours le même ; j’ai laissé tomber...

Un livre très drôle, hilarant, dit-on ? Ça ne m’a pas amusé du tout. J’ai lu dans une critique une référence à Gros dégueulasse, un personnage de Reiser. J’y trouve comme une idée... Après réflexion, ce livre me fait l’effet d’une BD sans les illustrations : juste un empilage des textes des bulles et des récitatifs... Peut-être aurait-il fallu un illustrateur de talent pour que La conjuration des imbéciles me fasse rire comme un ouvrage de Reiser ou de Binet (pas Laurent, Christian, celui des Bidochons).

(*)

Je précise que La conjuration des imbéciles ne figure pas au catalogue de ma liseuse et qu’on ne le trouve qu’en collection de poche : 530 pages dans une typo très petite et serrée. C’est très désagréable et fatigant à lire. La lecture, c’est  pour le plaisir, non ?

DIFFICILE     o   J’AI AIME… PAS DU TOUT

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Trois jours et une vie, de Pierre Lemaitre

Publié le 5 Avril 2016 par Alain Schmoll

Avril 2016

Trois jours et une vie est un authentique roman policier. Joliment écrit et construit avec cohérence par un maître du genre, il porte, jusqu'à la fin, des rebondissements surprenants. Les péripéties se déroulent dans un univers chabrolien.

Nous sommes à Beauval, petit village bordé de forêts. Tout le monde se connait, depuis l'enfance. Chacun a son destin lié aux autres ; tous vivent, plus ou moins directement, d'une usine appartenant au maire. Les amitiés et les inimitiés cuisent et recuisent indéfiniment... Un village banal, quelque part en France.

Dès les premières pages, un meurtre... Il faut bien appeler les choses par leur nom. Ce n'est pas un crime crapuleux, ni passionnel, ni même intentionnel. Juste un éclair fugitif de folie furieuse échappant à Antoine, un pré-adolescent en plein désarroi. Malheureusement, Rémi, six ans, git à terre, mort... Presque un accident !

Meurtrier à douze ans. Voilà ce qu'est Antoine. Sa vie est-elle fichue ? Devrait-il passer des années en prison, subir l'opprobre de son entourage et porter au front toute sa vie une étiquette de meurtrier ? En droit, dans la vraie vie, probablement oui.

Mais moi, lecteur, je suis plongé dans un roman dont Antoine est le personnage principal. Alors forcément, même si le garçon n'incite pas spontanément à l'empathie, je prends acte de son désespoir et de ses remords ; je comprends ses efforts pour dissimuler dans les bois le corps du petit Rémi et pour échapper à toute suspicion de responsabilité dans sa disparition. Je me mets même à trembler pour lui. C'est l'aspect thriller du livre, car au fil de l'histoire, je tremblerai de plus en plus.

La disparition du petit garçon bouleverse la vie locale : la population se mobilise en masse autour des gendarmes et des édiles ; des moyens importants sont mis en œuvre pour l'enquête et les recherches, sous l'œil des journalistes et les caméras de TV braquées sur la famille en détresse. Comme tous les villageois et une partie du pays, Antoine et sa mère, –dont les relations sont empreintes de sentiments sincères à défaut d'être démonstratifs –, suivent avec anxiété les journaux télévisés et les éditions spéciales... Antoine se figure déjà que tout est découvert... Il en est malade, ... plus que malade...

Mais c'est Pierre Lemaitre et lui seul qui tire les ficelles ; il nous réserve des surprises... Les événements auraient pu se produire n'importe quand ; dans un village comme Beauval, les jours, les années se suivent et se ressemblent, rien ne bouge, la vie quotidienne est intemporelle... Mais voilà, pour l'auteur, nous sommes dans les derniers jours de décembre 1999. Le vent se lève, enfle, terrifiant !... Cris de l'enfer, voix qui hurle et qui pleure !... Tempête ! Rappelez-vous ces trois jours de terrible tempête qui ont balayé l'Europe et la France !... A Beauval et aux alentours, les dégâts et les dommages sont considérables : Il faut porter secours aux uns, en reloger d'autres...

Dans ces circonstances, est-il possible de poursuivre les recherches ? Antoine se prend à espérer... A espérer quoi ? Un sursis ? Pour quelques heures, pour quelques jours ?...

Le sujet du livre, c'est le combat d'Antoine contre lui-même, pour survivre, pour échapper à la découverte de sa culpabilité. Le sujet du livre, c'est l'angoisse insupportable, interminable d'être démasqué. Et moi lecteur, j'ai fini par passer le petit Rémi par pertes et profits, pour mieux partager l'angoisse d'Antoine.

Au final, il faudra bien qu'Antoine subisse – ou choisisse – un châtiment expiatoire. Mais lequel ? Un séjour infamant en prison ? Un exil dans une contrée lointaine et hostile ? Une vie étriquée dans un village qu'il exècre ?...

A quoi tient une destinée ? Parfois juste à une montre, perdue lors de l'"accident", oubliée ensuite, et qui réapparait à la dernière page.

FACILE     oooo   J’AI AIME BEAUCOUP

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